Le Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) est devenu opposable depuis juillet 2021, marquant un tournant majeur dans son importance juridique. Face à un diagnostic erroné, les propriétaires et acquéreurs disposent de plusieurs voies de recours qu’il convient d’analyser en détail pour optimiser leurs chances d’obtenir réparation.

La loi ELAN n°2018-1021 du 23 novembre 2018 apporte des modifications quant au DPE et introduit progressivement les obligations relatives aux audits énergétiques. La loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat complète les obligations relatives au volet énergétique des immeubles.

Si le DPE est un élément obligatoire du contrat de vente de bien immobilier, il arrive que l’acquéreur constate, lors de l’utilisation du bien acquis, quelques anomalies. Dans ce cas, peut-il exercer un recours ?

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Les enjeux d’un DPE erroné

Le DPE constitue aujourd’hui un élément déterminant dans les transactions immobilières, dont l’importance s’est considérablement accrue avec son caractère opposable. Un diagnostic frauduleux ou comportant des erreurs significatives peut avoir des conséquences majeures sur le patrimoine et les finances des parties concernées :

  • Impact sur la valeur du bien : Les études récentes démontrent qu’une différence de classe énergétique peut entraîner une variation de prix allant de 5 à 15% selon les régions. Un DPE erroné peut ainsi fausser considérablement l’évaluation du bien.
  • Surévaluation des performances énergétiques : Un diagnostic trop optimiste peut masquer des déficiences importantes, conduisant l’acquéreur à sous-estimer les coûts réels de consommation énergétique.
  • Sous-estimation des coûts de rénovation : Les travaux nécessaires pour atteindre les performances énergétiques annoncées peuvent s’avérer beaucoup plus conséquents que prévu, créant un préjudice financier significatif.
  • Risques locatifs : Depuis l’entrée en vigueur de la loi Climat et Résilience, un DPE erroné peut avoir des conséquences sur la possibilité même de louer le bien ou sur le montant du loyer exigible.

La responsabilité du diagnostiqueur peut être engagée dans plusieurs situations, qu’il convient d’identifier précisément :

  • Erreurs méthodologiques : Le non-respect des protocoles établis par l’arrêté du 31 mars 2021 constitue une faute professionnelle caractérisée. Cela inclut les erreurs dans les mesures, les calculs ou l’utilisation des logiciels réglementaires.
  • Omissions substantielles : L’oubli d’éléments essentiels comme certains équipements de chauffage, l’état de l’isolation ou la présence de ponts thermiques significatifs peut justifier une action en responsabilité.
  • Non-respect des normes : Le diagnostiqueur est tenu de suivre les dernières normes en vigueur, notamment depuis la réforme du DPE de juillet 2021. Tout manquement à cette obligation engage sa responsabilité.
  • Manquement au devoir de conseil : Le diagnostiqueur a une obligation d’information et de conseil. Il doit alerter sur les anomalies constatées et les limites de son intervention.

Pour engager un recours efficace, il est essentiel de caractériser précisément le préjudice subi :

  • Préjudice matériel : Il se calcule principalement sur la différence entre la valeur réelle du bien et sa valeur estimée avec le faux DPE. Cette différence doit être étayée par une expertise immobilière indépendante.
  • Préjudice moral : Il peut être caractérisé par les troubles de jouissance liés à l’impossibilité d’utiliser le bien conformément à ses attentes légitimes, notamment en matière de confort thermique.
  • Préjudice financier : Il comprend non seulement les surcoûts énergétiques constatés mais aussi les frais engagés pour la réalisation des travaux non prévus initialement.

La phase amiable constitue une étape préliminaire importante qui doit être menée méthodiquement :

  1. Notification au diagnostiqueur :
    • Envoi d’une LRAR détaillant précisément les erreurs constatées
    • Constitution d’un dossier technique complet
    • Mise en demeure de rectification sous un délai raisonnable
  2. Intervention de l’assurance :
    • Déclaration du sinistre auprès de l’assurance responsabilité civile professionnelle
    • Communication des pièces justificatives
    • Négociation de l’indemnisation
  3. Expertise amiable contradictoire :
    • Désignation d’un expert agréé
    • Organisation d’une réunion d’expertise sur site
    • Établissement d’un rapport contradictoire

En l’absence de solution amiable satisfaisante, plusieurs actions judiciaires peuvent être envisagées :

  • Action en responsabilité contractuelle (pour le vendeur) :
    • Fondée sur l’article 1231-1 du Code civil
    • Nécessite la démonstration d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité
    • Permet d’obtenir des dommages et intérêts compensatoires
  • Action en garantie des vices cachés (pour l’acquéreur) :
    • Basée sur l’article 1641 du Code civil
    • Applicable si le vendeur était de mauvaise foi
    • Peut conduire à la résolution de la vente ou une réduction du prix

La gestion des délais est cruciale pour la recevabilité des actions :

  • Action en responsabilité contre le diagnostiqueur :
    • Délai de prescription de 5 ans à compter de la découverte de l’erreur
    • Importance de constituer rapidement le dossier probatoire
    • Possibilité d’actes interruptifs de prescription
  • Action en garantie des vices cachés :
    • Délai de 2 ans à partir de la découverte du vice
    • Nécessité d’agir promptement après la constatation
    • Attention aux actes conservatoires nécessaires

La constitution du dossier probatoire est déterminante pour le succès de l’action :

  • Documentation technique :
    • Rapport DPE initial complet
    • Contre-expertise détaillée
    • Photos et relevés techniques
    • Factures énergétiques avant/après
  • Éléments financiers :
    • Évaluation immobilière comparative
    • Devis des travaux correctifs
    • Justificatifs des surcoûts énergétiques
    • Frais d’expertise et de conseil

L’étendue de l’indemnisation dépend de plusieurs facteurs :

  • Coûts directs :
    • Nouveau DPE réalisé par un autre professionnel
    • Travaux de mise en conformité énergétique
    • Différentiel de valeur du bien prouvé
    • Surconsommation énergétique documentée
  • Coûts indirects :
    • Frais d’expertise et de conseil
    • Préjudice de jouissance
    • Perte de chance locative
    • Frais de procédure

Pour maximiser les chances de succès du recours :

  • Documentation exhaustive :
    • Conservez toute la correspondance avec le diagnostiqueur
    • Photographiez les éléments techniques pertinents
    • Archivez les factures énergétiques
    • Gardez trace des échanges avec les professionnels
  • Expertise technique :
    • Faites réaliser rapidement un contre-diagnostic
    • Mandatez un expert judiciaire si nécessaire
    • Documentez précisément les anomalies
    • Conservez les preuves des surcoûts
  • Assistance juridique :
    • Consultez un avocat spécialisé dès le début
    • Préparez un dossier complet

Conclusion

Face à un DPE erroné, les recours juridiques sont multiples mais nécessitent une action rapide et méthodique. La complexité technique et juridique de ces dossiers justifie généralement l’intervention d’un avocat spécialisé, capable d’appréhender tant les aspects techniques que procéduraux pour optimiser les chances de succès et obtenir une juste indemnisation.

Une question relative au DPE ? N’hésitez pas à prendre rendez-vous avec Maître Charles PAUMIER afin d’étudier votre dossier.

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